Les perturbateurs endocriniens Des tragédies d’hier à celles de demain
Colloque de l’AFAPE des 24 et 25 mai 2018
Comment percer la vérité scientifique des effets tragiques des épandages militaires américains de dioxine pendant la Guerre du Vietnam ?
Dans une tribune pour la presse du 30 août 2016, l’historien Pierre Journoud évoque les séquelles de la Guerre du Vietnam dont nous ne devons pas nous détourner « même si elles se sont heureusement estompées, ni laisser à d’autres le soin de les guérir. À beaucoup de visiteurs, la guerre paraît loin car ses effets sont de moins en moins visibles ». Or, souligne-t-il, « les scientifiques ont de bonnes raisons de penser que les effets de la dioxine contenue dans l’Agent orange et les autres défoliants se sont transmis génétiquement aux générations suivantes. Nous en serions à la quatrième génération d’enfants handicapés, malades, défigurés et malformés. Mais les études pour le prouver coûtent cher. L’impératif de solidarité qui a animé notre diplomatie et tant de nos compatriotes pendant la Guerre du Vietnam ne doit pas être sacrifié sur l’autel des intérêts géopolitiques et économiques ». Et ce chercheur, très averti des temps forts des relations de la Ve République avec le Vietnam fracturé puis réunifié, rappelle que « plusieurs associations françaises et vietnamiennes ont fait du combat pour la reconnaissance de ce scandale sanitaire leur cheval de bataille, parfois de longue date ». Dès 1966, l’Association d’Amitié Franco- Vietnamienne a dénoncé ce crime contre l’environnement et le peuple vietnamien et a coordonné des manifestations stigmatisant la première grande guerre chimique de l’Histoire engagée au Vietnam par les Etats-Unis d’Amérique. « Mais, ajoute le Pr Journoud, au nom des compétences scientifiques qu’elle possède sur les perturbateurs endocriniens, de l’ancienneté et de la qualité de la coopération médicale franco-vietnamienne, la France pourrait aller au-delà. Elle pourrait prendre l’initiative de créer un groupe d’experts capables d’établir les preuves scientifiques des effets transgénérationnels de l’Agent orange/Dioxine et de prendre en charge une partie des patients. Si les plus chanceux sont soignés dans des hôpitaux et des villages médicalisés au Vietnam, beaucoup sont encore cachés dans des familles en grande souffrance qui assimilent le handicap à une malédiction ».
Perspectives a déjà porté à la connaissance de ses lecteurs l’initiative montpelliéraine, impulsée par le Dr Anna Owhadi-Richardson, présidente d’Ad@lY et membre de l’AAFV, pour rassembler des chercheurs français de haute compétence disposés à offrir au gouvernement vietnamien la contribution bénévole de leur expérience et de leurs moyens de recherche. les prochains numéros de la revue reviendront largement sur les avancées de ce projet d’expertise de l’Agent orange et des perturbateurs endocriniens (AFAPE) sous la conduite scientifique du Pr Charles Sultan, président de la toute nouvelle association. Ce numéro se doit seulement de faire écho sans délai aux remarquables Journées des 24 et 25 mai derniers à Montpellier – Des tragédies d’hier à celles de demain » – en partenariat avec la Faculté de Médecine et la Maison des Sciences de l’Homme-Sud et en présence de SE l’Ambassadeur du Vietnam et du Président de la VAVA (The Vietnam Association for Victims of Agent orange/Dioxin). Ce dernier, qui représente l’organe officiel du gouvernement vietnamien, a accepté d’être le partenaire politique et diplomatique de l’AFAPE pour l‘organisation de ses actions au Vietnam. Il reste à construire avec les experts médicaux et scientifiques vietnamiens un plan de travail dont ils seront les maîtres d’ouvrage en s’appuyant, autant que de besoin, sur les experts français du projet montpelliérain. Les accidents industriels de Seveso et de Bophal ont eu de terribles conséquences, bien objectivées scientifiquement. Mais les doses de dioxine de l’Agent orange sont tellement supérieures qu’il faut étudier spécifiquement leur nocivité au Vietnam, où elles semblent avoir altéré la chaîne épigénétique. Ceci reste à bien démontrer par des enquêtes ciblées.
Dans ce numéro, vous trouverez, en introduction, le discours du Général Nguyen Van Rinh (VAVA) et les exposés très documentés de trois Présidents de l’AAFV, Francis Gendreau, Hélène Luc et Gérard Daviot. Il leur revenait, en raison de l’antériorité reconnue de l’association dans le combat militant pour les victimes de l’Agent orange/Dioxine au Vietnam et de par le monde, d’ouvrir ce colloque d’experts, associé aussi au Fonds d’Alerte (www.faaod.fr), présidé par Pierric Le Neveu. Ils ont planté le décor de cette mobilisation générale dont l’AFAPE sonne la charge. Il y a beaucoup de pain sur la planche. Perspectives sera attentive au développement des actions dont l’assistance nombreuse à ces Journées de Mai 2018 a prouvé la pertinence, l’opportunité et l’esprit de solidarité franco- vietnamienne jamais démenti à travers les vicissitudes de l’Histoire.
L’AAFV a notamment financé 109 réalisations dans 30 provinces, en direction des familles ayant des victimes de l’Agent orange/ Dioxine (maisons du coeur, microcrédits, élevages, puits et pompages, réservoirs d’eau, parrainages, formation professionnelle…). La solidarité c’est aussi son soutien au procès de Madame Tran To Nga contre les firmes chimiques complices de cette action militaire par des procédés prohibés. Car, hélas, Monsanto n’est que le chef de file mais non le seul fournisseur, en connaissance de cause, de ce poison létale et dévastateur.
Louis REYMONDON