Adieu au Professeur Oiseau
Le professeur Vo Quy, le père de la préservation de l’environnement au Vietnam, est décédé le 10 janvier dernier à 87 ans. Il était né dans la province de Ha Tinh le 31 décembre 1929.
Après des études de zoologie il s’est spécialisé dans l’ornithologie où il fait autorité. Son ouvrage en deux volumes, Les oiseaux du Vietnam, dont le premier tome paru en 1975 est le fruit d’études menées malgré la guerre américaine, est toujours la référence mondiale. Une nouvelle espèce de faisan qu’il a découverte dans sa région natale, le superbe Lophura hatiniensis au plumage bleu ourlé de vert, masque rouge et rectrices blanches, s’appelle désormais Faisan de Vo Quy. On lui doit aussi la réintroduction de la grue de Sarus, très grand oiseau blanc à tête et col rouges. Ses causeries à la télévision vietnamienne l’ont fait surnommer le Professeur Oiseau par les enfants.
Il a aussi contribué aux travaux concernant le Kouprey, voisin du gaur et animal emblématique du Cambodge, très probablement éteint à cause de la guerre.
Dès sa jeunesse, Vo Quy a été un environnementaliste militant. Il a convaincu Ho Chi Minh de l’intérêt des parcs nationaux, dont le premier, dans la région de Hanoi, date de 1962. Il y a aujourd’hui au Vietnam une trentaine de parcs nationaux et de réserves naturelles. Son action incessante a été soutenue par le général Giap qui le tenait en haute estime. Il a été le père de la préservation de l’environnement, tant par ses travaux scientifi ques que par son activité d’organisateur, culminant dans la création du Centre d’Etude des Ressources Naturelles et de l’Environnement en 1985 à l’université de Hanoi où il a enseigné jusqu’à sa retraite après avoir été professeur de lycée. On ne compte plus ses articles consacrés aux oiseaux, à la biodiversité, au développement durable.
Sa grande entreprise a été l’étude et la remédiation des désastres écologiques dus au déversement de défoliants par l’armée américaine, pour lesquels il a inventé le mot « Ecocide ». Dès 1971, il a dirigé une mission d’étude sur le terrain, suivie de plusieurs autres et établi une cartographie précise. Il a promu, auprès des autorités et dans le public, la restauration de la mangrove (réserve de biosphère de Can Gio) et la première expérimentation de reforestation dans la forêt de Ma Da, dans le cadre du Programme gouvernemental de reboisement. Il a le premier attiré l’attention sur une conséquence moins connue des déforestations : les éboulements de pans de montagne minés par les infi ltrations et les torrents de boue qui ensevelissent villages et routes lors des pluies diluviennes que le changement climatique multiplie (1).
Depuis une dizaine d’années, Vo Quy prenait part aux négociations entre les Etats- Unis et le Vietnam à propos des conséquences des épandages de défoliants. Son exposé devant la Chambre des Représentants américains, le 4 juin 2009, a fait date.
Il était aussi membre du Dialogue Group. « Il a réellement eu une grande infl uence pour rapprocher les Etats-Unis et le Vietnam sur ce problème, mais très calmement et en coulisses, – à la manière Vo Quy » écrit Mike Ivesian dans le New York Times (12 janvier 2017).
Vo Quy a reçu un très grand nombre de décorations, tant vietnamiennes qu’internationales, pour son oeuvre scientifi que et pratique, parmi lesquelles en 2003 le prestigieux Prix de la Planète Bleue, dont il a donné les 350 000 dollars pour la formation de spécialistes de l’environnement. La considération unanime et l’estime amicale qui ont salué sa mémoire donnent à espérer que son oeuvre continuera.
Marie-Hélène LAVALLARD