Lettre Spéciale – UKRAINE
Évacuation des Vietnamiens résidant en Ukraine
Informations et solidarité avec l’Association vietnamienne de Moldavie
Éditorial
Depuis le début de la guerre, le 24 février dernier, nous suivons avec la plus grande attention la situation
des Vietnamiens qui résident en Ukraine.
Pascal Le Phat Tan, membre de notre Bureau, est en relation avec toutes les associations de Vietnamiens et d’étudiants vietnamiens qui aident leurs compatriotes à quitter l’Ukraine, et avec les Associations de Pologne, de Moldavie, de Roumanie, d’Allemagne, de Belgique, … qui contribuent à leur accueil et à leur soutien.
Nous portons à votre connaissance une interview en date du 10 mars de l’Ambassadeur du Vietnam en Ukraine, Nguyen Hong Thach, qui s’implique au quotidien pour faciliter l’évacuation de ses compatriotes.
Les vietnamiens qui ont réussi à quitter l’Ukraine ont besoin de notre aide et de notre soutien.
Nous avons donc décidé de lancer un appel à dons. Nous ferons parvenir les sommes collectées à l’Association vietnamienne de Moldavie, pays le plus pauvre d’Europe qui accueille de modestes travailleurs vietnamiens.
Merci à vous pour votre sens de la solidarité et pour votre générosité.
Nous allons continuer à suivre l’évolution de la situation et nous vous en tiendrons informés.
Nicole Duchet Trampoglieri, Présidente
Interview en vietnamien de Nguyen Hong Thach, Ambassadeur du Vietnam en Ukraine.
Interview accordée au média VOA (Voice of America) le 10 mars 2022 et traduite du vietnamien par nos propres soins
VOA : Où êtes-vous maintenant ? Êtes-vous toujours à l’ambassade du Vietnam à Kiev ?
Ambassadeur Thach : Je ne suis pas à Kiev, mais je suis en Ukraine. J’ai été le dernier à quitter l’ambassade, et nous avons encore quelques personnes pour garder nos locaux.
VOA : Quand avez-vous dû quitter l’ambassade ?
Ambassadeur Thach : Je suis parti très tard. L’ambassade du Vietnam a été l’une des dernières à quitter
Kiev.
VOA : Comment la communauté vietnamienne a-t-elle été évacuée ?
Ambassadeur Thach : Ce que je peux vous dire, c’est que tous ceux qui se sont fait connaître pour être évacués l’ont été. Pourquoi puis-je vous l’affirmer ? En ce qui concerne les personnes, nous nous sommes appuyés sur le réseau des associations vietnamiennes locales et ensuite nous avons recoupé leurs informations avec nos données. À l’heure actuelle, nous ne recevons plus de demandes d’aide pour évacuer. Nous pouvons dire que ceux qui voulaient être évacués l’ont été. Sur la route de Lviv ou en allant jusqu’à la frontière avec la Moldavie, le nombre de ressortissants vietnamiens est inférieur à une dizaine de personnes par jour. Avec de tels chiffres à la frontière, cela prouve que nos informations, basées sur les informations des associations et sur le recoupement avec les nôtres, sont assez précises.
VOA : L’Ambassade a-t-elle des statistiques sur le nombre de Vietnamiens qui ont quitté l’Ukraine ?
Ambassadeur Thach : Hors d’Ukraine, il y a deux types de Vietnamiens : ceux qui ont des papiers vietnamiens et ceux qui ont des papiers ukrainiens. Les gardes-frontières ne peuvent nous fournir que le nombre de personnes ayant le passeport vietnamien. Ce nombre est maintenant supérieur à 3 000 personnes. Quant aux Vietnamiens qui sont en Ukraine depuis des décennies, ils détiennent pour la plupart des papiers ukrainiens, même si certains traversent la frontière sans papiers. Selon nos rapports et nos observations, le nombre de Vietnamiens qui ont quitté l’Ukraine est certainement supérieur à 6 000. À l’heure actuelle, le nombre de personnes qui restent est d’environ 500. Là où les Vietnamiens sont nombreux, certains décident de rester. Par exemple, à Odessa, où se trouve le Village du Lotus, le nombre de Vietnamiens restant sur place est de 100.
VOA : Pourquoi sont-ils restés ?
Ambassadeur Thach : Ils restent pour garder les biens. Les Vietnamiens qui vivent dans ces endroits ont des biens qu’ils ne peuvent pas emporter. Si tous partent, ils courront le risque d’être pillés. Ainsi, ils peuvent perdre leurs biens non pas à cause de la guerre mais à cause du pillage. C’est pourquoi une partie est restée pour garder les biens.
VOA : Depuis l’attaque russe et jusqu’à maintenant, l’ambassade a-t-elle donné des instructions à la communauté vietnamienne ?
Ambassadeur Thach : Chaque guerre est inattendue. Ainsi va cette guerre. Il y a eu des avertissements des États-Unis et de la Grande-Bretagne. Malgré ces avertissements, les dirigeants ukrainiens ne pensaient pas que la guerre se produirait. Même le ministre des Affaires étrangères et le dirigeant de l’Ukraine pensaient que la guerre n’aurait pas lieu. Par conséquent, l’ambassade du Vietnam et les ambassades de nombreux pays ont estimé qu’il n’y aurait pas de guerre.
Le 26 février, après deux jours de guerre, nous avons constaté que, même si la Russie déclarait ne pas attaquer les zones civiles, il y avait des traces de dégâts et de tirs. Nous avons vu un drone russe être abattu et s’être écrasé sur des immeubles en zone résidentielle. La maison d’une famille vietnamienne a été touchée par un tir de roquette et détruite. Heureusement que les occupants étaient absents. Notre ambassade a vu que, malgré une telle déclaration, la guerre n’était pas une blague. Et c’est pourquoi nous étions déterminés à évacuer nos ressortissants. Dès le 26 février, soit deux jours après la guerre, nous avons travaillé avec les associations vietnamiennes à Kiev, Kharkov et Odessa, et discuté de l’évacuation…
VOA : Avant que l’attaque russe ne se produise, vous avez rassuré vos compatriotes, vous les avez invités à rester calmes et à ne pas écouter les informations provoquant la panique. Vous avez décidé qu’il n’y aurait pas d’évacuation. Le 26 février, n’était-il pas trop tard pour évacuer ?
Ambassadeur Thach : Avant cela, qui a été évacué ? Seulement quelques britanniques et américains. Les Britanniques et les Américains sont différents des Vietnamiens. Les Britanniques et les Américains n’ont pas autant de biens en Ukraine depuis des décennies que les Vietnamiens. Il est donc facile pour eux d’évacuer. À ce jour, certaines personnes vietnamiennes ne veulent toujours pas évacuer parce que toute leur vie est ici.
Qui aurait pensé que l’on pouvait accepter une guerre aussi coûteuse et perdre tant de vies ? Nous avons supposé que, s’il y avait une guerre, les deux parties subiraient d’énormes pertes et que, logiquement, les gens ne feraient pas la guerre. Mais maintenant, nous voyons très clairement que même avec de telles pertes les gens font toujours la guerre. C’est illogique.
Le dirigeant ukrainien a également déclaré que les informations faisant état de la guerre étaient « exagérées ». Ce sont les dirigeants ukrainiens eux-mêmes qui sont les destinataires des informations américaines top secrètes et la Grande-Bretagne qui n’y croyait pas non plus. Des gens comme nous, diplomates à Kiev, avons-nous eu des informations permettant de prévoir la guerre ?
Étant donné qu’il s’agissait d’informations « exagérées », nous avons conseillé de garder le calme. Si cela se reproduisait, je pense que, logiquement, nous devrions tenir les mêmes propos. Mais quand la guerre a éclaté, nous avons gardé notre calme et géré efficacement la situation. Donc, en peu de temps, nous avons évacué toutes les personnes qui devaient être évacuées de la zone de guerre.
VOA : Il y a des dizaines de Vietnamiens à Kherson qui sont toujours bloqués et disent attendre que l’ambassade et vous, vous veniez à leur secours. Qu’allez-vous faire ?
Ambassadeur Thach : Je travaille constamment avec ce groupe. Nous avons fourni aux Russes la liste des ressortissants vietnamiens. J’ai également eu un entretien avec l’ambassadeur de Turquie pour évacuer tous nos compatriotes de Kherson. L’ambassadeur de Turquie nous a également proposé une option selon laquelle si nous nous retirions ensemble, la partie turque aurait un avion pour ramener ses ressortissants en Turquie et que les ressortissants vietnamiens pourraient s’y joindre. Nous avons travaillé avec la Turquie et l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe). Mais jusqu’à présent, seule l’OSCE a pu s’en sortir. Nous travaillons actuellement avec la partie russe pour conclure un accord bilatéral visant à évacuer les citoyens vietnamiens de Kherson.
VOA : Le Vietnam s’est abstenu de voter une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies condamnant la Russie et appelant à la fin de la guerre. Le chargé d’affaires ukrainien à Hanoï a appelé
le Vietnam à « nommer l’agresseur par son nom ». Pouvez-vous nous faire un commentaire ?
Ambassadeur Thach : Je ne réponds qu’aux questions concernant l’évacuation. Les autres questions ne relèvent pas de ma compétence.
VOA : Vous êtes chargé de procéder à l’évacuation de la communauté vietnamienne de la zone de
guerre. Y-aura-t-il un plan de retour suite à l’évacuation ?
Ambassadeur Thach : Après la guerre, je pense que les gens reviendront. Nos compatriotes, quel que soit l’endroit où ils se trouvent, reviendront. À ce moment-là, si nos compatriotes éprouvent des difficultés, nous serons là pour les aider.
VOA : Merci Monsieur l’Ambassadeur !